Gérard & les Ummates - première partie - Chapitre 1
Gérard & les Ummates
une trilogie passionnante
de science-fiction
dédiée à Tsarina et au Colonel Ferré
Par ADRIEN MEUNIER
Première partie :
Drôle de Lettre & Conspirations
Chapitre I
Une nuit, j’étais insomniaque sur
mon grain de terre.
La soirée que je venais de passer
avait été assez pénible. J’avais été entraîné dans un restaurant folklorique et,
alors que j’avais rendez-vous ailleurs, je ne pouvais prévenir personne car mon
téléphone n’avait plus de batterie.
J’étais nu sur le lit, sur les
couvertures. Mon amie dormait mais contrairement à son habitude, elle ne
ronflait pas. Après plusieurs séjours aux toilettes afin de me libérer
l’intestin -en vain, j’ai fini par allumer une cigarette que j’ai fumée derrière
une petite fenêtre ouverte sur l’infini.
Dans ce ciel rectangulaire brillait
une étoile. Elle brillait faiblement et presque par intermittence.
Je me souviens aussi que ce
soir-là, j’avais des problèmes de peau.
Mon nez me grattait à cause d’une
pustule blanche qui naissait dans le revers de ma narine gauche. De plus, je ne
m’étais pas rasé depuis longtemps et comme il faisait chaud, cela me grattait
et était extrêmement inconfortable. Bref, ma condition d’être humain était
vexante.
L'étoile que je fixais semblait
faire du morse et je m’amusais à traduire ces phrases jetées dans l’immensité
noire.
Elles semblaient toutes
dire : « Mon Dieu, vous autres Terriens êtes incurablement
stupides… ».
Alors que ma cigarette touchait à
sa fin, deux autres étoiles se sont mises à briller dans le ciel, sans doute
cachées jusqu’à lors par un nuage.
J’avais donc sous les yeux trois
systèmes solaires incroyablement loin de nous-autres, pâles rêveurs.
J’ai médité un instant devant ce
spectacle splendide de temps et d’espace qui ne s’arrêtent jamais.
J’ai essayé de me représenter
l’étendue de l’univers mais mon cerveau bouillait et m’intimait l’ordre de rester
sagement humain si je ne voulais pas devenir un brave aliéné moderne.
Quand je suis retourné dans la
chambre, je me suis étendu sur le lit et Sophie m’a caressé les fesses dans son
sommeil alors qu’elle découvrait ses longues et superbes jambes. Et, bercé par
son calme ronflement qu’elle avait enfin retrouvé, j’ai pu dormir une heure
avant que le réveil n’ait raison de mes songes.
Je me suis levé hagard et Sophie
courait déjà d’une pièce à l’autre pour se préparer, ranger la chambre et boire
un thé trop chaud dont elle se plaignait inlassablement, comme tous les matins.
J’étais assis sur le canapé du
salon et j’ai machinalement allumé la télévision pour regarder les nouvelles
absconses du monde moderne.
Sophie parlait déjà beaucoup et
je répondais par de savants borborygmes d’acquiescement que j’avais pris
l’habitude de marmonner pour signaler une bienveillante présence totalement
désintéressée de ses nombreux et vertigineux problèmes féminins du matin.
Sophie dirige une boutique de
jouets pour enfants, êtres qu’elle abhorre autant que moi.
La boutique est en bas de son
immeuble. Moi, j’occupe mes journées avec des études interminables qui masquent
–non pas une carrière d’agent secret, mais plutôt celle d’un comédien qui jouit
d’une renommée familiale.
Alors que Sophie venait de
claquer la porte et que je m’apprêtais à aller me recoucher -bien que je vienne
de lui dire que j’avais un cours important, j’ai eu l’idée incongrue d’enfiler
son peignoir de soie violette et d’aller chercher le courrier des jours
précédents.
Sophie ne savait pas se servir de
la boite aux lettres car il fallait tirer et pousser sur la clef autant que sur
la petite porte de la maudite boite.
J’avais découvert cette technique
le jour où un vague producteur de télé m’avait dit qu’il me paierait par chèque
et non par virement, ce qui est plutôt de mise dans le show-business…
Compte tenu de la célérité des
payeurs dans ce milieu extraordinaire du show-business, j’avais eu de longs
mois pour m’entraîner et presque autant pour rembourser mes dettes contractées
au long cours…
Alors que je dévalais placidement
les escaliers avec une cigarette au bec, j’ai croisé une vieille dame qui m’a
dit qu’il était interdit de se travestir dans les parties communes. J’ai alors fait
un grand signe de la main qu’elle n’a pas compris et qui la laissa interdite.
C’était un signe que je venais
d’inventer et qui ne voulait rien dire. Elle continua à gravir les marches,
empreinte de l’air caractéristique des personnes sidérées.
Arrivé devant la fameuse boite
aux lettres, j’ai commencé mes manipulations avec application et dextérité.
Cinq minutes plus tard, j’étais
de nouveau installé sur le canapé et je contemplais une semaine de rappels
divers de paiements en retard, de publicités et autres sollicitations demi-mondaines.
Une nouvelle cigarette rivée à
mes lèvres et une tasse de café chaud à proximité, j’ai commencé à éplucher les
enveloppes comme on le fait avec les haricots verts et après trois minutes de
tri cartésien selon le principe de : « poubelle », « peut
attendre » et « demande une attention particulière, voire
urgente », une lettre venait à elle-seule de créer une nouvelle catégorie
qui aurait pu s’appeler : « Mais qu'est-ce que c'est que ce
bordel ? ». Elle était en caractères d’imprimerie et commençait de la
manière suivante :
Rapport sur
notre planète d’origine
UMMAAELEWE )+(
Monsieur,
Nous posons notre joue sur votre noble poitrine. Nous sommes conscients de la transcendance de ce
que nous allons vous dire.
Nous
sommes conscients qu'une affirmation de ce type n'est d'habitude formulée que
par un farceur, un perturbé mental aux idées délirantes, ou par quelque
journaliste ou publicitaire, afin d'exploiter l'information à son propre
profit…
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